Le temps suspendu
Pourquoi faut-il aller si vite ? Même lorsque nous voulons nous ressourcer dans la nature, à l'occasion d'une promenade en forêt par exemple, nous nous heurtons souvent à l'exigence de rentabilité ancrée dans nos habitudes. Nous voulons remplir le programme dans les temps, atteindre le but fixé alors que tant d'endroits nous invitent à faire une pause.
Quand je me promène en forêt et que je pense à de futures compositions, bien que je peigne d'après photo, j'aime me poser à même le sol pour dessiner au pinceau et à l'encre sépia dans un cahier. Parfois, je reste immobile sans rien faire. En hiver, il arrive qu'un sanglier glisse devant moi comme une ombre chinoise ou qu'un chevreuil déboule dans mon dos, aussi effrayé que moi de cette intrusion ! Je deviens invisible. Le temps est suspendu. Je me fonds dans la forêt, la forêt infuse en moi. Dans l'atelier, les photos et le travail de dessins préparatoires réveilleront ces sensations qui nourrissent ma peinture.
Les rayons du soleil jouent sur les troncs et le feuillage des arbres, animant un étrange kaléidoscope. Éclairant certains bosquets, rejetant certains taillis dans l'ombre, ils isolent, tel un danseur pris dans le pinceau lumineux d'un projecteur, un parterre de mousse bordé de fougères légèrement surélevé, vous invitant à vous y asseoir.
Vous vous laissez enfin tenter et vous vous asseyez. Vous distinguez soudain combien le chant des oiseaux peut être varié, composant comme une musique de chambre. Les fourrés bruissent d'une agitation mystérieuse et désordonnée, vous percevez le lent déplacement du soleil sur les arbres, vous sentez et entendez le souffle du vent à travers les feuillages qui se balancent au ralenti. Vous y êtes !